Busse, Jeffrey A. & Clifton Green, T., 2002. "Market efficiency in real time," Journal of Financial Economics, Elsevier, vol. 65(3), pages 415-437, September.
Résumé de l'article
Les auteurs de cet article ont utilisé des données nouvelles pour regarder le processus d'intégration de l'information dans le prix des actifs à haute-fréquence. De nombreuses études sur ce type de sujet se basent des rendements daily, en regardant la réaction des marchés le lendemain d'un "scoop", souvent car il est difficile de connaître la minute et la seconde précise de révélation d'une information, ce qui rend impossible l'analyse intraday.
Pour pallier à cela, les auteurs ont enregistré durant 20 semaines, entre le 12 juin et le 27 octobre 2000, toutes les émissions "Morning Call" et "Midday Call" diffusée sur la chaîne CNBC. Dans ces émissions en direct, un analyste financier externe donne des recommandations d'achat ou de vente sur une ou plusieurs entreprises (voir vidéo publiée par Clifton Green sur Youtube pour expliquer cela http://www.youtube.com/watch?v=FC7kd6dTw9c). Les auteurs de cette étude ont donc créé un échantillon unique en identifiant pour chaque émission l'heure exacte, à la seconde près, où la recommandation de l'analyste est révélée via l'émission CNBC (apparition en bas de l'écran de la recommandation ou bien moment exacte où l'analyste prononce le nom de l'entreprise), en attribuant un caractère positif ou négatif à la news (recommandation d'achat ou de vente) et en associant cela à l'entreprise concernée. Ensuite, les auteurs ont étudié comment les marchés ont réagi autour de cette annonce de l'analyste, en regardant l'évolution du cours des actions dans une fenêtre de -15 minutes à +15 minutes autour de l'annonce (rendement anormal, order imbalance et intensité de trading). Les données concernant les cours boursiers haute-fréquence sont issues de la base TAQ (Trade And Quote Database).
Etant donné que les rendements intraday ne suivent pas une loi normale, l'algorithme "non-parametric bootstrap" de Barclay & Litzenberger est utilisé pour déterminer la significativité des coefficients de régression. L'algorithme de Lee & Ready est utilisé pour calculer l'order imbalance.
Les auteurs ont montré une forte réaction des marchés dans la minute suivant une annonce "positive" (recommandation d'achat), suivi d'une faible baisse les minutes suivantes (signe d'une overreaction initiale). Une stratégie basée sur un achat en moins de 15 secondes après l'annonce permet un rendement de 16 bps, en prenant en compte les frais de transaction. Il est surtout intéressant de voir que la hausse anormale du cours commence environ 5 minutes avant l'annonce, ce qui montre bien l'existence de "fuites".
L'effet est asymétrique selon le type de news (positive ou négative), mais il faut faire attention car les analystes ont tendance à présenter davantage de recommandations d'achat, ce qui fait que l'échantillon "négatif" est très petit (41 observations négatives contre 180 positives). De plus, il peut exister des contraintes pour "shorter", rendant le processus plus long comme ce qui semble ressortir du graphique ci-dessus.
L'impact est plus fort sur les firmes les plus petites (proxy par capitalisation), en accord avec la théorie supposant que l'information est plus difficilement disponible pour ce type d'entreprise et donc que la recommandation d'un analyste contient davantage d'info non-intégrée dans le cours. D'autres variables sont testées, comme le secteur ("new tech" ou autres), l'Earning Per Share...
Enfin, les auteurs regardent si l'information révélée par CNBC contient de l'information nouvelle, en ayant donc un impact permanent sur le cours (sans price reversal à moyen terme) ou bien seulement transitoire, ce qui serait en accord avec la présence de noise traders et d'overreaction type "all that glitters" de Barber & Odean. Il est cependant difficile d'étudier cela avec précision, car même si la hausse est forte à court-terme (proche de 0,5%), elle est relativement faible par rapport à une variation classique sur plusieurs jours. Un calcul est réalisé en calculant le Cumulative Abnormal Return sur plusieurs jours, sans pouvoir répondre avec certitude à ces questions.
L'étude de l'order imbalance et de l'intensité de trading semble montrer que des traders ont effectivement une stratégie basée sur les recommandations des analystes du Midday Call de CNBC.
Points intéressants
(1) L'analyse intraday, en évaluant la date exacte, à la seconde près, d'un évènement, puis en étudiant via la base de données TAQ l'effet de l'annonce sur le rendement et d'autres indicateurs.
(2) Les rendements intraday ne suivant pas une loi normale, il faut utiliser un algorithme pour régler ce problème pour être sur que les variables sont significatives
(3) Il doit être possible d'utiliser des nouvelles sources qui n'existaient pas à l'époque de ce papier pour réaliser ce type d'étude sur davantage de données (et non pas uniquement 20 semaines). Twitter par exemple permet de connaître la date exacte, à la seconde près, d'un tweet de Bloomberg, the WSJ ou MarketWatch et de certains analystes. La SEC autorise de plus les entreprises à communiquer directement via Twitter depuis mi-2013 (suite à une enquête sur Netflix).
(4) La réaction avant l'annonce permet de détecter les fuites d'informations. Il serait intéressant d'étudier plus en détail cela, pour voir si la réaction pré-annonce dépend de l'analyste interviewé (et donc si certains analystes passent les "bons tuyaux" à certains investisseurs avant de passer sur CNBC). De plus, il pourrait être utile de voir l'impact de la Regulation FD aux USA sur la réaction pré-annonce. La Regulation Fair Disclosure ayant été mis en place en août 2000, cela pourrait permettre de couper l'échantillon en deux et tester s'il y a rupture de notre relation post-régulation (en lien avec l'étude "Sell-Side School Ties").