Glosten, Lawrence R. & Milgrom, Paul R., 1985. "Bid, ask and transaction prices in a specialist market with heterogeneously informed traders," Journal of Financial Economics, Elsevier, vol. 14(1), pages 71-100, March.
Résumé de l'article
Le modèle de Glosten & Milgrom est basé sur un marché avec trois type d'agents : (1) des market makers ou spécialistes qui fixent un spread bid-ask, en acceptant donc d'acheter au prix bid et de vendre au prix ask, (2) des investisseurs informés (insiders) et (3) des investisseurs non-informés (outsiders). Les ordres des investisseurs doivent être des market orders (effectués donc au meilleur prix possible) ; il est donc impossible pour les investisseurs de placer des limit orders.
Ce marché simplifié évolue en fonction des actions des investisseurs ; à chaque fois qu'un investisseur arrive au "guichet" du market maker, ce dernier l'informe du spread bid-ask et l'investisseur a alors le choix d'acheter une unité au prix ask, de vendre une unité au prix bid ou bien de partir (le bid-ask spread pouvant donc être considéré comme une option de trade). A la suite de cela, le market maker peut alors modifier son spread bid-ask avant l'arrivée du prochain investisseur.
Le market maker subit alors une sélection adverse ; un investisseur acceptant de trader au prix bid ou ask peut le faire simplement car il dispose d'information que le market maker n'a pas. Pour palier à cela, le market maker doit compenser ses pertes en échangeant avec les traders non-informés (liquidity provider), et en gagnant de l'argent via le spread. Pour reprendre l'abstract de Copeland & Galai, puis Glosten & Milgrom à ce sujet :
"An individual who chooses to serve as a market-maker is assumed to optimize his position by setting a bid-ask spread which maximizes the difference between expected revenues received from liquidity-motivated traders and expected losses to information motivated traders." - Copeland & Galai
"The core idea is that the specialist faces an adverse selection problem, since a customer agreeing to trade at the specialistâ€s ask or bid price may be trading because he knows something that the specialist does not. In effect, then, the specialist must recoup the losses suffered in trades with the well informed by gains in trades with liquidity traders. These gains are achieved by setting a spread" - Glosten & Milgrom
Cette asymétrie de l'information explique pourquoi il peut exister un spread bid-ask même lorsque le market maker risque-neutre n'a aucun coût fixe ni variable et que la compétition entre market makers implique un profit attendu nul. Lorsque l'information pour l'insider devient grande (ou que la proportion d'insider par rapport au liquidity trader augmente), le bid-ask spread augmente. Il existe un cas théorique où le marché peut fermer à cause d'un bid-ask spread très large côté pour le market maker qui ne souhaite pas trader car il n'y a que des traders informés sur le marché. Cette approche théorique est semblable à celle d'Akerlof (1970) sur le marché des voitures "lemons". Dans cette situation, le marché restera fermé jusqu'à temps que les insiders partent ou bien que l'information dont il disposait soit révélée au grand public.
Hormis ce cas extrême, la quatrième proposition de Glosten & Milgrom est que la valeur attendue par le spécialiste et l'insider tend à converger avec le temps ; l'information est incorporée dans les prix au fil des échanges car le market maker ajuste le bid-ask après chaque investisseur passant à son "guichet". Toutes les propositions sont justifiées mathématiquement dans la partie 3 et 4 du papier.
Points intéressants
(1) Ce modèle prévoit que le bid-ask spread doit augmenter autour des moments où une nouvelle information doit-être publiée, afin de compenser les market makers contre le risque de pertes en tradant contre des investisseurs informés. Glosten & Milgrom mettent en avant que le bid-ask peut augmenter avant l'annonce si les insiders ont accès à une information avant la publication officielle.
(2) Le marché des market makers étant compétitif (Bertrand-style price competition), l'hypothèse de définition du bid-ask spread de tel sorte que le profit moyen soit nul implique que les market makers ont un inventaire et du cash illimités et que le coût d'inventaire est nul. Si ces hypothèse sont relâchées (conclusion du papier), alors un marché à entrée libre de market makers signifie que l'expected profit d'un nouvel entrant, ajusté des coûts d'inventaire et des coûts d'opportunité, doit être nul.
(3) Les auteurs traitent de la différence entre l'observed return et le realizable return et de la potentielle surestimation des realizable returns pour un investisseur non-informé "A bid-ask spread implies a divergence between observed returns and realizable returns. Observed returns are approximately realizable returns plus what the uninformed anticipate losing to the insiders."
